L’Arcadie de Souleyan.
Je fus aussi en Arcadie ;
Cachée derrière les petits monts du Luberon,
Dans la vallée du Combrès,
Où Oppède le Vieux trône en majesté,
(Fleuron en pierre blanche du Miocène)
Et surveille de son promontoire,
A travers la dentelle verdâtre de vieux chênes,
Les siestes paisibles des fantassins du Dieu à pied de bouc,
Fatigués par leurs excès dans les mondes de l’Autre Monde,
Ne cherchant plus à faire la triste foire,
Venus rechercher, dans ce paysage rural, l’espoir :
Dans la vigne, l’olivier, les lauriers, la lavande et le chêne aux sangliers,
Et la solace, la paix dans le silence des feuilles qui bougent dans le vent, et le bourdonnement des insectes.
De gouter le sang rouge de cette terre fertile à l’abri d’un vieux chêne enfeuillé,
Dans des verres qui reflètent,
L ’Univers microcosmique teinté de ce Paradis Terrestre.
Pourrait-on trouver les jardins d’Epicure dans ce lieu insolite ?
Oui, pour ceux qui le cherchent,
Entrez dans ce paysage Préraphaélite,
Il est juste derrière la petite murette à gauche,
Entouré de genêts jaunes et de lauriers roses.
Si un chevalier en armure scintillante
Vous approche, ne peignez pas votre chevelure,
Soyez souriante,
Mais ne le suivez pas jusqu’à Camelot,
S’il ne s’appelle pas Lancelot.
Peut-être tout n’est pas paix et harmonie ?
Marie, prêtresse singulière de cette petite île de beauté, créatrice des versants enfleuris,
Embaumés des odeurs de romarin, de la sauge et du jasmin,
Saluant, comme Circé, son Odysseus, et ces autres voyageurs intrépides,
(Qui auraient fait escale dans le port de son île)
Leurs départs périlleux,
Vers les Mers lointaines du pays des Ombres, les Pays Gasts de leurs origines.
Et en laissant libres les quelques-uns, ne pouvant plus partir, perdus dans leurs folies, qui restent
Ronger les glands avec les sangliers du coin.
Des vestiges d’un amphore géant grec vidé de son nectar,
Ayant abriter Diogène, qui se promène toujours au loin,
Pleurant peut-être, sous l’ombre d’un chêne entouré de genêts jaune fleuris,
Sa jeunesse, d’un autre temps, passée.
Nous qui avons rendus visite à L’Arcadie,
Naviguant depuis les Océans Septentrionaux,
Transitant par les Mers du Sud et la Commune Libre du Port de Gémenos,
Nous nous sommes trouvés, une fois débarqués de notre voilier,
Dans un autre Temps, un autre Pays merveilleux.
Les mots d’un grand Poète Irlandais : G.W.Russell, me sont venus à l’esprit :
« Le crépuscule bleu courait entre les rues :
Mon amour, ailé dans mon esprit,
Laissait derrière lui hier et aujourd'hui,
Et trois fois mille ans.
Aujourd'hui sont passé et sont mort pour moi,
Car depuis ce jour, mes pieds avaient parcouru ces trois fois mille ans
Pour suivre les chemins de l'antique Babylone.
Sur le toit des temples et des palais,
L’or bruni renvoyait les rayons d’un coucher de soleil rouge,
Mort et perdu depuis plus d’un million de jours,
Le dôme du ciel devient d'un bleu plus foncé,
Un scintillement étoilé commence maintenant ;
Le mystère et la magnificence, la beauté infinie et les péchés »
Ici Pan a poursuivi Syrinx, qui s’est transformée en roseau pour éviter
L’haleine douteux et rugueux de ses baisers,
Inconsolable, Pan s’est taillé une flûte avec ces mêmes quenouilles,
Et s’installant sur un tas de rocailles,
Jouent des mélodies sauvages et mélancoliques le soir,
Puis joyeuses et enivrantes à l’aube pour chasser le désespoir.
Pan apprendra plus tard aux Egyptiens de faire des rouleaux
De cette plante, le papyrus, pour créer les premiers livres.
De la pauvre Syrinx qui murmure quand le vent souffle les roseaux,
Et Pan jouant sa flute du corps transmuté de sa chérie,
Les mots, qui sont que des sons peints par la main, sont nés.
En entendant résonner les airs de sa flute, Pan cherchera alors,
A travers monts et collines cet imitateur secret de sa joie,
Mais Echo ne se dérobera pas à lui.
Finalement elle se cachera dans son esprit.
Quels grands navigateurs auraient pu visiter l’Arcadie.
Ce lieu que Virgile a vu en vision,
Beaucoup sont passés pas loin.
Rabelais, Giono, Saint Exupéry et autres aventuriers de plume et de voile.
Outre-Mer : Shelley, Machen, Stephenson, Graham, Barrie, Lawrence, Wells, Nietzsche, Huxley, Hamsun, Hawthorne, Wilde et évidement Goethe
L’ont rêvé et écrit.
Des grands peintres comme Poussin, Bourdon, Von Dillis et Beardsley
Ont pensé trouver le tombeau de la Mort en Arcadie.
« Et en Arcadia Ego. »
Ils sont tous tombés dans les pièges de ce jardin aux sentiers qui bifurquent,
Qui n’est qu’un Labyrinthe.
Peu ont compris que c’était le tombeau de Pan,
Qui a fui, dans la mort apparente les quelques millénaires depuis l’arrivée d’un autre pasteur,
Un doux berger, qui depuis, a perdu toutes ses brebis.
Ceci a permis le retour
En Arcadie du grand Dieu au pied de bouc,
Et nous régaler de sa musique sauvage, sa danse et les reflets de son beau pays.
Mais seulement le lundi. Le reste de la semaine il dort.
Maintenant à vous de tracer, si vous le souhaitez, les pas du Dieu au pied de bouc,
Les sauts de sa danse, et le tourbillonnement de ses circumambulations
Autour des sons magiques de ce joueur de flute « aux portails de l’aube »,
Et qui s’est refait résidence chez Marie, à l’Arcadie de Souleyan.
« Et in Arcadia Ego ».
Leslie John Vaizey.
18 juin 2025
Poème commencé le 15 juin 2025, jour de mes 70 ans, sur place, à l’Arcadie de Souleyan.
Merci Marie.
Nietzsche a écrit Et in Arcadia ego à l'aphorisme no 295 de Le Voyageur et son Ombre, en décembre 1879
« La beauté tout entière inspirait un tremblement d’effroi et portait à l'adoration muette de cet instant de sa révélation ; involontairement, comme s’il n’y avait là rien de plus naturel, on plaçait des héros grecs dans ce monde de lumière pure aux contours aigus où rien ne rappelait le désir, l’attente, le regard porté en avant ou en arrière ; il fallait sentir comme Poussin […] : à la fois d’une façon héroïque et idyllique. – Et, c’est ainsi que certains hommes ont aussi vécu, ainsi qu’ils se sont continuellement sentis dans le monde, qu’ils ont senti le monde en eux, et parmi eux l’un des plus grands hommes qui soient, l'inventeur d'une façon de philosopher héroïque et idyllique tout à la fois : Épicure. »
Dion Fortune : The Rites of Pan.
Kenneth Graham : Piper at the Gates of Dawn : The Wind in the Willows.
Arthus Machen : The Great God Pan.
J.M. Barrie : Peter Pan.
Robert Louis Stephenson : Pan’s Pipes. Dr Jekyll and Mr Hyde.
D.H.Lawrence : The Laugh, Pan in America, Saint Mawr, Lady Chatterly’s Lover.
Oscar Wilde : Pan –Double Villanelle.
Aldous Huxley : The Gates of Perception and Heaven and Hell.
Knut Hamsun : Pan.
Nathaniel Hawthorne : The Marble Faun.
Evidement les trois livres dans la série Pan de Jean Giono et Arcadie…Arcadie.
Etc etc etc.
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